Home / Première Page / Le Conseil de l’Europe et la circoncision
L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) a adopté une résolution invitant les États membres à prendre des mesures contre les “violations de l’intégrité physique des enfants”.
« L’Assemblée invite donc les Etats-membres à définir clairement les conditions médicales, sanitaires et autres à respecter s’agissant des pratiques qui sont aujourd’hui largement répandues dans certaines communautés religieuses, telles que la circoncision médicalement non justifiée des jeunes garçons (…) et à adopter des dispositions juridiques spécifiques pour que certaines interventions et pratiques ne soient pas réalisées avant qu’un enfant soit en âge d’être consulté ».
Cette résolution pour « le droit des enfants à l’intégrité physique » a été adoptée le 1er octobre dernier par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe par 78 voix pour, 13 contre et 15 abstentions. Ce texte demande aussi l’interdiction en Europe des mutilations génitales féminines telles que l’excision, des interventions chirurgicales sur les enfants intersexués, des chirurgies esthétiques chez les mineurs ainsi que des tatouages et pose de piercings à des enfants.
Dans son numéro de ce mercredi, 9 octobre 2013, La Libre Belgique publie l’entretien suivant avec le Grand Rabbin de Bruxelles Albert Guigui :
OPINIONS Interdire la circoncision ? Inconcevable et inacceptable ! Ce serait toucher à l’essence même du judaïsme. Cette pratique existe depuis des millénaires et n’a jamais été mise en question. Elle est partagée par tous les juifs.
Albert Guigui, Grand Rabbin de Bruxelles
En quoi la recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe vous heurte-t-elle ?
A.G. : C’est scandaleux de mettre sur un même pied d’égalité la circoncision qui est créditée d’un grand nombre d’effets bénéfiques avec l’excision clitoridienne qui limite pour la vie entière le plaisir sexuel de la petite fille qui en fait l’objet. C’est vraiment honteux de la part d’élus de l’Europe de faire une faute aussi grossière alors que nous savons que la circoncision limite les risques de transmission de l’infection du virus HIV chez l’homme. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Organisation mondiale de la santé a lancé une vaste campagne de circoncision sur tout le continent africain après avoir été convaincue, étude après étude, que celle-ci réduit les maladies vénériennes et les risques du sida.(1) Vouloir mettre deux choses qui n’ont absolument rien à voir sur le même pied d’égalité comme le fait ce texte est pour moi un parti pris inacceptable et condamnable.
Que représente la pratique de la circoncision pour les juifs ?
A.G. : C’est le signe de l’alliance entre Dieu et le peuple juif. C’est le signe de l’identité de l’homme juif. Vous le savez : la communauté juive est plurielle. Il y a des religieux et des non-religieux. Des pratiquants et des non-pratiquants. Mais il y a une seule chose que tout le monde pratique, c’est la circoncision. Tout le monde est conscient qu’il s’agit là de ce qui caractérise l’identité juive.
Ce n’est pas la circoncision en tant que telle qui est visée par le texte, mais le fait qu’elle soit pratiquée sur des enfants qui ne sont pas en mesure de dire s’ils le veulent ou pas.
A.G. : Bien sûr, l’enfant qui a huit jours ne peut pas dire : je suis d’accord ou je ne le suis pas. Mais la pratique de la circoncision est répandue dans la communauté juive à 100 %. Tout le monde le fait. Donc, un père qui circoncit son enfant, en posant cet acte, prouve qu’il est d’accord avec le comportement que son propre père a eu au moment où celui-ci l’a fait circoncire lorsqu’il avait huit jours. Le fait qu’un parent circoncit son enfant, c’est la preuve tangible que de facto il est d’accord avec ce que son père a fait précédemment. Nous avons là une preuve a posteriori parce que, évidemment, l’enfant ne peut pas dire qu’il est d’accord alors qu’il n’a que huit jours.
Peut-on imaginer que les juifs aillent se faire circoncire hors d’Europe ?
A.G. : Je suis horrifié par une proposition pareille parce que les juifs ne sont pas des citoyens de second ordre. Les juifs doivent avoir le droit de respecter leurs convictions religieuses. La liberté du culte est un droit absolu. Je n’accepte pas qu’on soit obligé d’aller ailleurs pour circoncire nos enfants. Nous sommes des Européens et l’Europe doit nous permettre de vivre notre religion comme il se doit. En voulant interdire la circoncision, on veut tout simplement dire aux juifs qu’ils ont deux solutions : soit renoncer à être juif, soit partir ! On s’attaque là à l’identité juive. Que veut l’Europe ? Est-ce qu’elle veut une Europe sans juifs ? Qu’elle le dise ! Mais je ne le pense pas parce que les contacts que j’ai avec les dirigeants européens sont toujours des contacts extrêmement respectueux. Je ne comprends pas cette prise de position de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est quelque chose qui me dépasse. On touche ici à quelque chose de fondamental dans la vie du peuple juif alors que les derniers survivants de la Shoah n’ont pas encore fermé les yeux… Si cette interdiction devient effective, je pense que les juifs seront invités à quitter l’Europe ou à disparaître en tant que juifs. Je suis catégorique en le disant ! On ne peut pas être juif s’il n’y a pas de circoncision. On touche à quelque chose qui est fondamental dans la tradition juive. On touche à l’essence du judaïsme, au cœur du judaïsme
Entretien : Charles Van Dievort
“Si cette interdiction devient effective, je pense que les juifs seront invités à quitter l’Europe ou à disparaître en tant que juifs. Je suis catégorique en le disant ! On ne peut pas être juif s’il n’y a pas de circoncision.”
(1) Pour plus de précisions (hors article de La Libre) :
on peut consulter e.a. le numéro 24 des Nouvelles Consistoriales (voir sur ce site la rubrique : « Anciennes Nouvelles »)
et le net
p.e. Google : « Réduire la propagation du sida par la circoncision ? - Le Monde »