Avant-propos.
Après 25 numéros des Nouvelles Consistoriales - Consistoriaal Nieuwsblad, nous nous lançons dès aujourd’hui dans une nouvelle formule de notre périodique, la formule on line .
La presse, vocable dérivé de « presse, machine destinée à l’impression typographique » est en train de changer. Actuellement, on devrait peut-être considérer que ce mot se réfère plutôt à « pressé » : les gens sont pressés par la vie trépidante qu’ils vivent et ne prennent, souvent, plus le temps de lire leur journal. D’où la nécessité de pouvoir glaner, rapidement, les informations « on line » et choisir les articles en fonction de ses intérêts.
Prenons donc le pli…
Bonne fête de Hanoukka à tous.
M.L.
Le peuple qui dérange
Depuis l’aube de l’histoire humaine, le peuple juif est celui « qui dérange ».
Dans la Bible (Esther,3,8-9) on en trouve l’illustration bien connue :
« Hamân dit au roi Ahashvérosh : il existe un peuple dispersé et séparé parmi les peuples, dans toutes les cités de ton royaume. Leurs lois diffèrent de celles de tous les peuples. Les lois du roi, ils ne les appliquent pas. Il ne vaut rien au roi de les laisser. Si c’est bien pour le roi, il sera écrit de les perdre. Je pèserai dix mille talents d’argent aux mains des exécuteurs de l’ouvrage, à faire venir aux trésors du roi. »
A ce moment-là de l’histoire perse, on doit encore attendre quelques siècles avant l’avènement du christianisme et de l’anti-judaïsme que développera celui-ci, depuis les pères de l’Eglise jusqu’à la veille de la conférence internationale de Seelisberg. Lors de cette conférence, qui s’est tenue en été 1947, les intellectuels chrétiens réunis prirent (enfin) acte de la nécessité de corriger certains accents négatifs de l’enseignement chrétien sur le judaïsme et son histoire et élaborèrent dix points, largement inspirés des dix-huit propositions de l’historien Jules Isaac, dont la diffusion contribuerait à faire reculer les préjugés courants de la pensée occidentale et chrétienne concernant les Juifs.
Entre-temps, on aura connu les persécutions et massacres anti-juifs du moyen âge, l’Inquisition, les « Protocoles des Sages de Sion », l’Affaire Dreyfus, les pogroms, le « Mein Kampf » de Hitler et la Shoah.
Mais il semble que cela ne suffise toujours pas.
Si aujourd’hui, il n’est, généralement, plus politiquement correct de se dire antisémite, il est hautement recommandé d’afficher des opinions très critiques par rapport aux Juifs, mais sous d’autres formes, dont la préférée de nombreuses instances est celle qui fait de la patrie historique des Juifs, donc de l’Etat d’Israël, l’Etat qu’il faut condamner, « celui qui pratique l’appartheid, celui qui martyrise le peuple palestinien, voire celui qui n’a, finalement, aucune légitimité ».
La légitimité, le mot est lancé. Quel merveilleux outil ! Vous voulez annihiler une personne (physique ou morale) ? Il suffit de « prouver » d’abord qu’elle est « illégitime », puis de convaincre qu’il faut agir en conséquence .
Jusqu’en 1945, on visait les Juifs, en tant que personnes; il fallait donc les avilir, les accuser, les persécuter, les assassiner, ou, à tout le moins, les convertir de force à une religion « digne de ce nom ».
Au sortir de la guerre, on découvrait l’ampleur du génocide dont le peuple juif venait d’être victime. La mauvaise conscience jouant sans doute, le monde lui accorda un peu de répit. Jusqu’en 1967, jusqu’à la Guerre des Six Jours donc, l’Etat d’Israël, perçu comme jeune nation pionnière et courageuse, fut considéré avec sympathie par le monde occidental.
Comme les choses ont changé depuis ! Actuellement, ces sentiments de sympathie sont loin, on parle de boycott d’Israël, on remet en question la légitimité de l’Etat juif.
Certains vont encore plus loin et posent carrément la question à propos du peuple juif lui-même. Le « nouvel historien » (israélien!) Shlomo Sand vient de publier un livre qui s’intitule : « Comment le peuple juif fut inventé ».
Lors d’une conférence de Sand au mois de septembre 2009 à Bruxelles, à l’invitation du C.E.G.E.S., le public (acquis à l’avance, en grande majorité, aux thèses de Sand) a pu entendre ce monsieur lui affirmer, entre autres, qu’il ne peut y avoir de culture juive autre que religieuse, puisque les Juifs, dans le monde, sont trop incultes que pour pouvoir lire les auteurs yiddish et hébreux dans leurs langues ou encore : que la Bible ne faisait pas l’objet d’étude dans les Yeshivot (en oubliant, comme par hasard, que dans le Talmud, de très nombreuses citations viennent évidemment de la Bible). En d’autres termes, que les Juifs (les vrais, ceux qui étudient le Talmud), ne s’intéressent pas vraiment à l’étude de la Bible… Les Juifs, ces non-êtres, inventés et fabriqués de toutes pièces en vue de former cet état non-démocratique et d’extrême-droite qu’est l’Etat d’Israël.
Nous y sommes !
On connaissait déjà la thèse abjecte de « l’exploitation de l’Holocauste » par les Juifs, défendue, entre autres, par notre coreligionnaire, le politologue américain Norman Gary Finkelstein, qui est connu pour son essai L’Industrie de l’Holocauste publié en 2000.
Fils de juifs survivants du ghetto de Varsovie, il se fait connaître par ses écrits sur le conflit israélo-palestinien et par les polémiques suscitées par sa critique de ce qu’il a appelé « L’Industrie de l’Holocauste », terme par lequel il désigne les organisations et les personnalités juives (notamment le Congrès juif mondial ou Elie Wiesel) qui, selon lui, instrumentaliseraient la Shoah dans un but politique (soutenir la politique israélienne) ou mercantile (obtenir des réparations financières de la part de l’Allemagne et de la Suisse).
Moins de 65 ans après la Shoah et après la Déclaration d’Indépendance de l’Etat juif, nous assistons, à côté de toute la haine dont le peuple juif et l’Etat d’Israël sont toujours la cible dans le monde, à une offensive - comble de cynisme - de Selbsthass, de « haine de soi » de la part d’éléments « bien-pensants » de notre propre communauté.
Pour paraphraser un adage bien connu : « préservez-moi de mes amis (coreligionnaires), mes ennemis, je m’en charge… »
Michel Laub